Et si l’enseignement officiel à Enghien m’était conté…
C’est le 21 juin 1879 que le Parlement entame les discussions et les délibérations sur la loi qui instituait — enfin — un enseignement laïque et neutre (primaire d’abord, moyen ensuite) et ce sous le contrôle de l’Etat.
Chaque commune devait créer une école officielle où seraient neutralisées et l’intervention du pouvoir communal, et bien sûr l’influence religieuse.
La Chambre des représentants adopta cette loi par une courte majorité (67 voix contre 60) mais néanmoins une majorité importante, car issue de la volonté du changement.
En 1883, le gouvernement crée à Enghien une école moyenne officielle qui s’installe dans des locaux appartenant à la ville d’Enghien, rue des Augustins.
Si la guerre scolaire faisait rage dans le pays entre les partisans de l’enseignement officiel d’une part et ceux de l’enseignement confessionnel d’autre part, on peut aisément imaginer quelle fut la réaction foudroyante de ceux qui, à Enghien, monopolisaient l’enseignement confessionnel.
Nous retrouverons toute cette violence 65 ans plus tard car ils n’allaient pas oublier comment faire pour casser la dynamique du changement ! » Des écoles sans Dieu et des maîtres sans foi, délivrez-nous Seigneur « , tel était leur cri de ralliement face à la création d’un enseignement laïque .
Mais revenons en 1883, le gouvernement libéral de l’époque ayant donc créé un enseignement moyen à Enghien subit la dure offensive des cléricaux. Malgré les pressions — on en reparlera — 28 élèves sont présents .
C’est bien pour Enghien, mais encore trop peu pour faire démarrer avec succès un enseignement non confessionnel.
L’école moyenne doit fermer ses portes après un an de fonctionnement. L’alerte fut chaude et certains réalisèrent rapidement qu’il fallait mettre » en lieu sûr » ces bâtiments qui, plus tard, pourraient à nouveau abriter un enseignement de l’Etat. Les bâtiments de la rue des Augustins appartenant à la ville d’Enghien furent vendus à des industriels de Lille.
Quelques jours plus tard la congrégation des Pères Jésuites de la province de Champagne (France) s’y installaient . Mais cela est une autre histoire…
Il y consacrera toute son énergie et réussira au-delà de toute espérance.
Ils étaient, avec Fernand Gilmant, une poignée d’hommes et de femmes qui entamèrent la longue marche vers plus de liberté. Il fallait à Enghien » — qui était le type même de la petite ville féodale — des esprits suffisamment fiers pour lever la tête et dire NON. Le devoir des gens libres, c’est précisément d’apprendre à ceux qui se sont laissés conduire jusqu’à présent à prononcer ce NON, en toute conscience et dans le plus bref délai possible » .
Il fallait en finir avec le monopole de l’enseignement confessionnel ; même les écoles communales étaient sous la férule des catholiques qui freinèrent des quatre fers toute proposition tendant à développer l’enseignement communal. Argumentant le manque de locaux, le Collège échevinal catholique de l’époque bloqua longtemps la création d’une cinquième classe à l’école primaire des garçons, avant d’avoir dû concéder à contrecoeur l’installation d’un quatrième degré pour filles.
Et puis, ce furent pêle-mêle le combat pour créer des classes gardiennes, une sixième garçons-filles, la construction de nouveaux locaux à la rue des Ecoles, etc. La guerre de 1940-1945 unit dans un même élan tous les Enghiennois, qui s’opposèrent farouchement à la barbarie de l’occupant. L’immédiat après-guerre allait-il changer les données enghiennoises en matière d’enseignement et concrétiser certains engagements pris par d’aucuns ?
Non ! Des tentatives discrètes mais insistantes pour créer un enseignement moyen officiel à Enghien échouèrent à nouveau pour des raisons oh! combien sublimes : la reconstruction du pays et la réconciliation nationale. Que n’eut-elle inventé et fini par trouver, cette force décidément hostile à tout enseignement officiel dans notre cité ! Mais il en fallait plus pour décourager ce groupe d’hommes qui, sous l’égide de Monsieur Fernand Gilmant, se rencontraient dans les salons feutrés du Palais provincial du Hainaut.
Nous sommes fin 1947. Il est temps de créer et de réussir. L’arrêté du Régent du 6 mars 1948 crée diverses écoles moyennes dont Enghien. Dans la foulée et dans la plus grande discrétion, le splendide domaine — sis entre les rues du Mont, Montgomery et de Nazareth — ayant appartenu au baron Daminet et aux célèbres Parmentier, est acquis par l’Etat pour héberger la nouvelle école moyenne . Il fallait pourvoir cette école d’une direction. Le choix devait être audacieux. Il fallait un chef d’ordre et de rigueur, un homme ouvert à la créativité. Monsieur Firmin BECU — professeur de langues à l’école moyenne de Gilly — est nommé en juin 1948 directeur de l’école moyenne d’Enghien.
Notre propos n’est pas de parler ici d’un tel ou d’un autre, mais de témoigner de ce que fut le difficile démarrage de l’enseignement officiel chez nous.
Après cet épisode de 1883, le triomphalisme des uns et la tristesse des autres étaient sans bornes. Il convenait — pour ceux qui croyaient à la laïcité et au libre arbitre — de repenser le combat et, en attendant, d’envoyer leurs enfants suivre l’enseignement officiel dans les écoles de Bruxelles, Mons et plus tard Soignies et Braine-le-Comte.
Le temps s’écoula sur les berges de l’Odru dont on invoqua déjà vers les années 1920 l’urgence du voûtement, au détriment, bien sûr, de la construction de locaux scolaires décents pour l’école communale .
Monsieur Fernand GILMANT — la ville d’Enghien a donné son nom à une de ses avenues — avait compris lui aussi, dès son arrivée à Enghien, la nécessité d’un enseignement officiel.
Il y consacrera toute son énergie et réussira au-delà de toute espérance.
Pour les responsables de l’enseignement confessionnel d’Enghien, l’arrêté du Régent du 6 mars 1948 était ressenti comme un second Hiroshima. Ils étaient K.O. Mais pas pour longtemps. Ils allaient puiser dans leurs ressources pour tenter d’éradiquer ce » mal soudain qui frappait Enghien « . Et le scénario de 1883 reprit son envol. C’était un » remake « . Prêche contre cette école » sans Dieu et sans foi » , refus des sacrements aux enfants inscrits à l’école officielle. Tous les moyens — même les plus vils — étaient utilisés pour freiner le démarrage : chantage à l’emploi, boycottage des commerçants locaux qui sympathisaient avec cette école née de cette » loi de malheur « .
Mais 1948, c’était l’après-guerre, tous l’avaient compris, sauf quelques hobereaux issus de la vieille clergie. La rentrée de septembre 1948 fut plus qu’un succès. Elle consacra pour de bon l’implantation de l’enseignement officiel à Enghien (217 élèves en 1948 – plus de 1000 élèves en 1998 ). Mais il reste beaucoup à faire et les obstacles mis en place par certains témoignent de leur souci constant de contenir l’action de l’enseignement officiel et de gêner son développement. Témoins ces requêtes introduites au Conseil d’Etat le 16 décembre 1952 par M. Raoul Haustrate, Président du comité scolaire des écoles libres confessionnelles, et le 19 décembre 1952 par la ville d’Enghien (à majorité catholique) contre la décision de dédoubler la section froebélienne de l’école moyenne et d’y désigner une institutrice gardienne.
Ces requêtes furent rejetées en date du 14 juillet 1954 et les frais mis à la charge des requérants Témoins ces plans de la construction de l’internat qui s’égarèrent bien malgré eux dans les méandres de la Commission des Monuments et des Sites, et qui en sortirent longtemps après — après force coups de gueule — amputés d’un étage . Témoins ces projets de rénovation, de reconstruction des bâtiments scolaires, ces maquettes, ces plans multiples, vus, revus et corrigés, qui finalement étaient refusés parce que » cette architecture ne s’intègre pas dans l’ensemble historique d’Enghien » On croit rêver ! Fort heureusement, les responsables successifs de l’école ne se laissèrent point décourager et continuèrent l’oeuvre entreprise. Rapidement on comprit la nécessité de créer un cycle complet des humanités.
L’Athénée fut créé par Arrêté Royal le 13 août 1955 . Ce fut un coup royal et le succès immédiat. La section technique occupa ses nouveaux bâtiments à la rentrée de septembre 1956. Remarquable réalisation implantée dans un écrin de verdure et les pieds dans l’eau. L’étang lui doit son premier lifting. Il y en aura — hélas — d’autres, au fur et à mesure de l’érection des nouveaux bâtiments. La construction du réfectoire et des cuisines fut fatale à » notre petite île, son saule pleureur et ses nids de canards sauvages » , qui ont fasciné bien des générations d’élèves. Ah ! nostalgie … quand tu nous tiens ! L’extension des classes maternelles et primaires sur le très beau site de la rue de la Station eut lieu en 1962. Là encore le succès fut immédiat et nécessita la construction de pavillons supplémentaires. Par Arrêté Royal du 27 janvier 1965 , un internat de l’Etat pour filles est annexé à l’Athénée, et installé provisoirement dans la maison » Pacco » attenant à l’école, avant de prendre possession des nouveaux bâtiments inaugurés le 21 novembre 1981 par le Ministre de l’Education, Monsieur Philippe Busquin.
C’est aujourd’hui le seul internat encore ouvert dans la région d’Enghien. L’année 1973 était celle du 25e anniversaire de la création de l’enseignement officiel à Enghien. Cet événement fut l’occasion de réunir, au cours d’une séance académique — suivie bien sûr par un » pot » de l’amitié — le représentant du Ministre Humblet, les sénateurs et députés de la région, des hauts fonctionnaires de l’Education nationale, les personnalités de la ville et, bien entendu, tous les amis de l’école.
Ce fut aussi l’occasion de faire le point sur l’évolution et les réalisations, mais aussi et surtout de penser au devenir de l’Athénée. Car il restait beaucoup à faire. Entre le moment où Monsieur le Directeur-Préfet Firmin Bécu réunissait son corps professoral (cela se passait en 1956) pour lui montrer et détailler l’avant-projet du nouvel Athénée — » à ériger très prochainement » disait-il — et la concrétisation de l’espoir de voir un jour les élèves hébergés dans des locaux modernes, il fallut attendre 35 ans.
L’inauguration des nouveaux bâtiments de la section secondaire eut lieu le 4 juin 1992, en présence du Ministre de l’Education de la Communauté française, Monsieur Elio Di Rupo, et de quelque 250 invités . Enfin, pour l’heure, on n’attend plus que les travaux de finition des classes maternelles, rue de Nazareth. Bien sûr, d’autres projets sont actuellement à l’étude et certains sont bien près d’aboutir, comme celui d’un hall » omnisports « .
Après 50 ans d’existence dans notre ville, l’Athénée royal a acquis ses lettres de noblesse : plus de 1000 élèves, un personnel enseignant et d’encadrement de grande qualité, une amicale des anciens élèves prospère, une association des parents très active.
Tous contribuent à promouvoir l’enseignement officiel dans notre cité. Et quand chaque année, en juin, de jeunes élèves des classes terminales nous quittent et s’en vont quérir leur destin, ils sont munis d’un bon viatique intellectuel. Il y a plus de 115 ans que des Enghiennois renommés — des Suys, des Paternoster… — ont crié haut et fort que » l’école moyenne d’Enghien était une source inépuisable de bienfaits « . Ils avaient raison.
Ils étaient, avec Fernand Gilmant, une poignée d’hommes et de femmes qui entamèrent la longue marche vers plus de liberté. Il fallait à Enghien » — qui était le type même de la petite ville féodale — des esprits suffisamment fiers pour lever la tête et dire NON. Le devoir des gens libres, c’est précisément d’apprendre à ceux qui se sont laissés conduire jusqu’à présent à prononcer ce NON, en toute conscience et dans le plus bref délai possible » .
Il fallait en finir avec le monopole de l’enseignement confessionnel ; même les écoles communales étaient sous la férule des catholiques qui freinèrent des quatre fers toute proposition tendant à développer l’enseignement communal. Argumentant le manque de locaux, le Collège échevinal catholique de l’époque bloqua longtemps la création d’une cinquième classe à l’école primaire des garçons, avant d’avoir dû concéder à contrecoeur l’installation d’un quatrième degré pour filles.
Et puis, ce furent pêle-mêle le combat pour créer des classes gardiennes, une sixième garçons-filles, la construction de nouveaux locaux à la rue des Ecoles, etc. La guerre de 1940-1945 unit dans un même élan tous les Enghiennois, qui s’opposèrent farouchement à la barbarie de l’occupant. L’immédiat après-guerre allait-il changer les données enghiennoises en matière d’enseignement et concrétiser certains engagements pris par d’aucuns ?
Non ! Des tentatives discrètes mais insistantes pour créer un enseignement moyen officiel à Enghien échouèrent à nouveau pour des raisons oh! combien sublimes : la reconstruction du pays et la réconciliation nationale. Que n’eut-elle inventé et fini par trouver, cette force décidément hostile à tout enseignement officiel dans notre cité ! Mais il en fallait plus pour décourager ce groupe d’hommes qui, sous l’égide de Monsieur Fernand Gilmant, se rencontraient dans les salons feutrés du Palais provincial du Hainaut.
Nous sommes fin 1947. Il est temps de créer et de réussir. L’arrêté du Régent du 6 mars 1948 crée diverses écoles moyennes dont Enghien. Dans la foulée et dans la plus grande discrétion, le splendide domaine — sis entre les rues du Mont, Montgomery et de Nazareth — ayant appartenu au baron Daminet et aux célèbres Parmentier, est acquis par l’Etat pour héberger la nouvelle école moyenne . Il fallait pourvoir cette école d’une direction. Le choix devait être audacieux. Il fallait un chef d’ordre et de rigueur, un homme ouvert à la créativité. Monsieur Firmin BECU — professeur de langues à l’école moyenne de Gilly — est nommé en juin 1948 directeur de l’école moyenne d’Enghien.
Notre propos n’est pas de parler ici d’un tel ou d’un autre, mais de témoigner de ce que fut le difficile démarrage de l’enseignement officiel chez nous.